Quand Montréal court-circuite la « fast fashion »

Vêtements Archives - Ekogito:

Article coécrit par Alice d’Ekogito et Béa du Blog de Béa

 

Sur Netflix, il n’y a pas que des choses intéressantes, mais parfois, on tombe sur des pépites. Le documentaire The True Cost en fait partie. Il montre les ravages que provoque l’industrie de la mode (la ‘fast fashion’) sur les plans de l’environnement, de la santé et de la justice sociale. Suite à ces constats, nous avons voulu mettre en valeur les alternatives à notre disposition pour éviter les grande marques à Montréal, changer ses habitudes et s’habiller autrement. Car finalement, comme le disent les fashionistas, nos choix d’habits reflètent qui nous sommes, non?

 


Les tragédies

Le monde de la mode nous a bien eu. En créant de nouvelles modes, de plus en plus souvent à des prix relativement bas, et en nous mitraillant de publicité, d’égéries et autres inventions commerciales telles que le Black Friday. Vous avez sûrement entendu de la tragédie du Rana Plaza au Bangladesh. Voilà ce qui s’est passé : plusieurs marques de vêtements occidentales (sont cités Benetton, Auchan, Primark, Mango, Carrefour…) avaient installé des ateliers de confection dans un bâtiment qui n’était plus aux normes et menaçait de s’effondrer. Mais, sans surprise étant donné les droits des travailleurs dans ce pays, les ouvriers avaient été ‘forcés’ de continuer à travailler et le bâtiment s’était effondré, emportant avec lui la vie de plus de 1000 personnes.

 

– Sociale –

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En délocalisant dans les pays qui ont moins de régulations sociales et des coûts de main d’œuvre très bas, les entreprises, en bons colons des temps modernes, disent amener le développement économique dans ces pays, avec tout ce qui s’en suit: création de richesse et d’emploi, augmentation du PIB.

Mais la « richesse » qui est créée ne se retrouve pas, en bout de ligne, dans les mains des ouvriers de ces ‘ateliers de misère’ qui ne gagnent que quelques dollars par jour. Quelle richesse, quelle dignité, y-a-t-il à travailler dans des locaux qui menacent directement votre vie, 12 heures par jour, sans assurance ou sécurité sociale, sans retraite, sans argent pour payer l’école ou la garderie ?

La « richesse » part chez les investisseurs et les actionnaires de ces grandes marques dont les vêtements sont vendus à des prix ridiculement élevés comparés à leur coût de production. Et lorsque la marque en question trouve une main d’œuvre moins chère ailleurs, elle part sans rien laisser derrière elle. Après la Chine, le Bangladesh ; après le Bangladesh, l’Éthiopie …

 

– Environnementale –

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Les impacts environnementaux de cette industrie sont nombreux. Tout d’abord, il y a les fibres utilisées pour créer les vêtements. Le coton cultivé de manière intensive est bombardé de pesticides et autres produits chimiques, ce qui, au-delà des impacts environnementaux, peut aussi avoir un impact direct sur notre santé puisque la peau est la première interface de notre corps avec notre environnement.

La fabrication des produits en cuir a un impact environnemental très élevé. Cela nécessite des terres pour élever et nourrir l’animal, puis tous les produits chimiques utilisés pour traiter le cuir. Le chrome trivalent, qui fait partie de la famille des métaux lourds, est très persistant dans l’environnement et peut s’accumuler dans les organismes. Utilisé dans les tanneries, il se retrouve dans les effluents et peut être à l’origine de maladies génétiques et de cancers.

Enfin, le gaspillage, grande tendance des occidentaux, est un autre grave souci environnemental . Acheter-jeter-acheter-jeter: en moyenne un américain génère 82 livres (37 kg) de déchets textiles par an! Voir ce très bon article de Newsweek à ce sujet.

 

– Économique –

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Tout cela, au final, fait partie d’une grande tragédie économique : la stratégie de ces grandes marques de la mode est basée, comme la plupart des grandes entreprises mondiales, sur un modèle dépassé, avec l’idée que les ressources de la planète sont inépuisables et qu’une main invisible de l’économie viendra régler tous les problèmes. Mais personne n’avait écouté Garrett Hardin lorsqu’il avait révélé la Tragédie des Communs en 1968, ou les experts du Club de Rome lors de la publication du Rapport Meadows sur les Limites de la croissance en 1972.

Or, le problème est là : nous ne payons pas le coût réel de ce que nous achetons. Pour simplifier prenons une chaussure en cuir, dont la vache a été élevée en en Chine, le cuir tanné au Bangladesh et les lacets en coton d’Inde fabriqués en Éthiopie, assemblée en Chine puis importée aux États-Unis. Elle devrait coûter plus cher, pour un américain à la recherche d’une nouvelle paire, qu’une chaussure en coton bio intégralement fabriquée aux États-Unis. C’est ce qui s’appelle intégrer les externalités négatives (transport, pollution, maladies et autres impacts négatifs). Or, c’est exactement l’inverse qui se produit et c’est ça, la grande tragédie.

 

– La Loi du Plus Fort –

Voici un autre point, non abordé dans le documentaire, mais qu’il me paraît important de soulever : la ‘loi du plus fort’ (ou ‘bullying’ en anglais) dont la « fast fashion » abuse, notamment en copiant honteusement la propriété artistique d’autrui. Effectivement, il est très difficile pour les stylistes, sinon impossible, de sortir plusieurs nouvelles collections par mois en créant sans cesse de nouvelles choses. On sait que cela concerne beaucoup les marques de luxe, mais pas seulement. Il y a quelques mois, le groupe Inditex (Zara, Bershka, Stradivarius, Oysho…) s’est vu accuser de plagiat par Tuesday Bassen, une jeune illustratrice californienne, nombreuses photos à l’appui.

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Le débat a pris de l’ampleur sur Twitter et Instagram, et eu un effet boule de neige : le site internet « Shop Art Theft » est né, qui regroupe le travail de nombreux artistes indépendants ayant subi le même sort. En plus d’exposer le vol dont ils sont victimes, on peut aussi acheter leurs créations en ligne, une belle façon de découvrir leur travail et les soutenir. Malheureusement, cette pratique est loin d’être nouvelle : en 2010, Zara (pour changer) s’était servi de photos prises sur des blogs de mode assez réputés pour les imprimer sur des t-shirts, sans l’accord desdites blogueuses. C’est le cas de Betty ou Miss Pandora, pour ne citer qu’elles, mais elles sont loin d’être les seules. Certaines ont décidé de porter plainte, d’autres non, par manque de temps, de volonté (un procès n’est jamais une chose facile à vivre), et d’argent.

Car le problème est bien là : rien ne semble pouvoir arrêter la pratique honteuse de ces enseignes, qui ne risquent finalement pas grand-chose. La plupart des artistes touchés sont découragés par l’idée de porter plainte. Et pour ceux qui vont effectivement en justice et ont gain de cause, les marques sont certes contraintes de leur payer des indemnités, mais qui sont négligeables par rapport à ce qu’elles gagnent grâce au plagiat. Je partage la réaction de Juliette Mallet, jeune créatrice française victime de Zara, face à ça : de telles actions signent « la mort de la créativité et des petites entreprises ». L’article complet à ce sujet est disponible sur Madame Le Figaro.

 


Les alternatives

Aujourd’hui, je (Alice) porte un jean acheté en friperie, un t-shirt fait à Montréal, et un pull qu’on m’a donné. Les alternatives existent et ce n’est pas si compliqué ! Voici 9 étapes à suivre pour s’habiller plus responsable. Le premier geste a faire : acheter moins et diminuer nos besoins. C’est essentiel. Voici 3 pistes pour la suite.

 

– Acheter local –

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La première solution à laquelle je pense par rapport à toute les problématiques que soulève la « fast fashion », c’est d’acheter local. En fait, cette solution ne concerne pas seulement l’habillement, elle s’applique aussi lorsque l’on parle d’alimentation ou des autres activités de notre quotidien.

De mon côté, c’est devenu une passion, voire pour certains une obsession! Je ne peux plus me passer de mon panier bio et j’adore traîner dans les foires de créateurs locaux ou les petits magasins de créateurs. En plus, Montréal en regorge ! Il y en a tellement que je ne pense pas être capable de les citer tous.

 

– Faire le tour des fripes –

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Une autre option pour s’habiller : réutiliser, recycler. Nous ne sommes pas (encore) dans un monde parfait et la majorité des gens achètent neuf. Mais, parmi ces gens, il y a tout de même du monde qui donne les vêtements qu’ils ne veulent plus aux friperies. Alors, autant en profiter et éviter que cela finisse à la décharge ou dans un autre pays.

 

– Troquer, échanger, donner –

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The True Cost le dit bien : sur les tonnes de vêtements donnés aux œuvres de charité, seulement une partie est vraiment donnée et c’est déjà trop. En effet, les vêtements usagés envahissent le marché des pays en développement et sapent la capacité de développement des entreprises locales de vêtements.  Alors, pourquoi ne pas se mettre au troc? Ou pas forcément le troc, d’ailleurs. Vous avez un pull que vous aimez beaucoup mais que vous ne pouvez plus mettre? Sondez votre entourage, peut-être que quelqu’un a justement besoin d’un nouveau pull! Et si ce n’est pas le cas, amenez-le chez Renaissance, vous pouvez être sûr qu’il fera le bonheur d’une personne qui en a vraiment besoin (au Canada).

 


Les bonnes adresses à Montréal

— Acheter Local —

La Braderie de la Mode Québécoise a lieu régulièrement au Marché Bonsecours dans le Vieux Montréal (dates à surveiller). Une belle occasion pour découvrir une nouvelle manière de s’habiller.

La foire des créateurs Puces Pop : une fois par saison, les Puces Pop rassemblent les créateurs québécois sous un même toit pendant tout un weekend. Il n’y a pas toujours les mêmes participants donc on a régulièrement de belles surprises. De saison en saison, cet événement a de plus en plus de succès. A voir absolument !

Souk@SAT : chaque année, quelques semaines avant les Fêtes. On y trouve une sélection pointue d’artistes et artisans montréalais qui proposent des créations contemporaines. Domaines variés : mode, accessoires, enfants, décoration, ameublement, livres, instruments de musique, parfums, nourriture & boisson …

Petite Rebelle, un vraiment très chouette magasin sur Saint-Hubert (la galerie) entre Beaubien et Saint-Zotique.

Des magasins où l’on trouve beaucoup de petites créations (oui oui surtout de magnifiques petits bijoux et accessoires!) et quelques vêtements : Articho (Villeray), Art Pop (Plateau), Tah Dah (marché Jean Talon).

 

Voici quelques marques locales :

Sous-vêtements, maillots debain: RespecterreShanulovegreenJuneswimwear …
Vêtements : Atelier B, Fig, Message Factory, OOM Ethikwear, Le Bonnetier …
Chaussures : La Canadienne, Cartel, Kamik, Animoc …
Accessoires: Mat and Nat, M0851

 

— Faire le tour des Fripes —

Le paradis de la fripe à Montréal, c’est Eva B. Une petite boutique qui ne paye pas de mine, sur le boulevard Saint Laurent entre Ontario et Sherbrooke. Et à l’intérieur… un vrai coffre aux trésors! (le truc à connaitre : montez à l’étage, c’est là que se trouvent la majorité des habits!) On peut trouver des pantalons pour 10 $, des chemisiers pour 5$… L’autre jour, je suis sortie de là avec 4 jeans et un chemisier pour 47$. La moitié du prix d’un jean neuf chez Levi’s. (PS: ne vous fiez pas a leur site web, ce ne sont pas les apparences qui comptent!)

De son coté, Renaissance est une friperie de solidarité assez connue dans la région et avec un réel objectif de ne rien jeter. En théorie, 100% de ce qui est donné est utilisé. J’ai déjà trouvé – et donné – de nombreux habits chez Renaissance, dans leur grande boutique au coin de Saint Laurent et Jean-Talon. Comme dans tous les endroits de ce genre, il faut prendre le temps de fouiller!

Citizen Vintage : située dans le Mile End, le style que cette boutique propose n’est certes pas pour tout le monde (pensez gros revival 80-90’s pour la plupart des vêtements et chaussures). Par contre, faites un tour sur leur blog pour voir les avant/ après trop géniaux qu’ils présentent à partir des vêtements qu’ils récupèrent en friperie, et qu’ils transforment grâce à quelques coups de ciseaux. Une source d’inspiration folle pour les novices de la fripe! Ils ont aussi créé, en collaboration avec des artistes locaux, de cartes du Mile-End avec toutes les bonnes adresses où magasiner, vintage et autres.

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Raymond IV : dans HoMa, c’est un dépôt-vente où on peut facilement mettre en vente les morceaux qu’on ne porte plus, et en acheter de nouveaux à bon prix. On y trouve bien-sûr du Zara (seulement des pièces sélectionnées pour leur apparente qualité), mais aussi des créateurs québécois et de belles marques françaises. Eux aussi sont à l’origine de leur carte coup-de-cœur des commerçants de Hochelag’, avec pas moins de 46 places à découvrir!

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— Troquer —

En 2013, j’avais eu la chance de rencontrer Maude Léonard, cofondatrice et présidente de Troc Tes Trucs. L’idée de Troc Tes Trucs est d’organiser des sessions d’échanges d’objets (pas uniquement des vêtements) en collaboration avec les organismes communautaires des différents quartiers de Montréal. Il y a des événements régulièrement. Suivez leur page Facebook pour être au courant des événements près de chez vous.

Je dois dire que concernant les chaussures, j’aurais du mal à acheter en fripe ou seconde main, excepté si elles n’ont été portées qu’une fois ou 2, simplement parce que la chaussure s’adapte au pied qui la porte.

(Une vidéo très intéressante sur les chaussures véganes et sans cuir, par la célèbre Coline, pour plus d’informations à ce sujet.)

Je n’ai pas encore trouvé mon bonheur pour les sous-vêtements. En fripe ou en troc, ce n’est pas la peine. En local, ceux de Respecterre sont idéaux pour les matériaux utilisés mais … pas très très sexy … Par contre, au niveau du prix, ce n’est pas plus cher que Victoria’s Secret.

 

En 2008, Equiterre avait publié un Guide du Vêtement Responsable, que vous pouvez télécharger ici : 26 pages à lire et à relire !

 

1 Comment

  1. alfazoulette says: Répondre

    Bravo les filles pour votre post très intéressant et instructif. Il faut effectivement faire quelque chose pour ne pas en arriver à détruire notre planète. ……Qu’on se le dise……Bisous à vous deux Maric

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